mercredi 1 juin 2011

UNE POÉSIE DE NEZAHUALCOYOTL



NEZAHUALCOYOTL (1402 - 1472), souverain de Texcoco, l'une des trois seigneuries de la Triple Alliance (avec Tenochtitlan et Tlacopan) qui domine le monde aztèque et alentours, est l'un des plus grands poètes connus de l'époque précolombienne. Dans la langue complexe et métaphorique qu'est le nahuatl, il a écrit de magnifiques poèmes, toujours publiés, lus et étudiés de nos jours. Lire à haute voix, en nahuatl et en français, une poésie de Nezahualcoyotl est un enchantement, qu'il s'agisse de ses chants de guerre, ses chants fleuris ou ses chants de tristesse, ainsi que l'on répartit généralement son oeuvre, ou de ses poèmes fondés selon trois interrogations majeures, Dieu, le destin de l'homme et la poésie, d'après la lecture proposée par certains. Nezahualcoyotl nous parle notamment de la fugacité de l'instant présent, de la précarité du destin humain, de l'inquiétude de l'être sur lui-même et sur le monde ; il exprime en même temps une angoissante interrogation sur "l'après" et l'au-delà et ses doutes sur la force divine. J'ai extrait ici d'un poème intitulé "L'Arbre fleuri", In Xochicuahuitl, un passage extrêmement connu et très souvent cité, avec diverses traductions qui révèlent la difficulté de traduire le nahuatl en général, et Nezahualcoyotl en particulier. Ainsi que le disait si bien J.M.G. Le Clézio dans Le rêve mexicain (Gallimard, Folio Essais, page 151) en parlant de cet extrait : "[Mais] au-delà de la fête du chant et des dieux, vient à nous une mélodie pleine de mélancolie et de vérité, et c'est elle que nous ne cessons pas d'entendre, la parole précieuse du doute."



CUIX OC NELLI NEMOHUA O A IN TLALTICPAC ? IHUI OHUAYE !

ANNOCHIPA TLALTICPAC ! ZAN ACHICA YE NICAN !

TEL CA CHALCHIHUITL NO XAMANI,

NO TEOCUICATL IN TLAPANI,

NO QUETZALLI POZTEQUI !

ANNOCHIPA TLALTICPAC ! ZAN ACHICA YE NICAN !


La Légende des Soleils, traduit du nahuatl par Jean Rose (Anacharsis Editions , Toulouse 2007) Citation avant l'introduction

Vivons-nous réellement sur cette terre ? Hélas! Un bref instant sur cette terre ! Un instant seulement ici ! Même le jade se brise, Même l'or se rompt, Même les belles plumes se flétrissent ! Un bref instant sur cette terre ! Un instant seulement ici !

Nezahualcoyotl, Sur cette terre, à nous prêtée..., traduit du nahuatl et présenté par Pascal Coumes et Claude Caër (Editions Arfuyen, Paris- Orbey 2010) page 83

Est-ce vraiment vivre que de vivre ici sur la terre ? Non pas pour toujours ici sur la terre, Mais seulement pour un bref instant. Même les jades se brisent, Même les ors se fendent, Même les plumes de quetzal se cassent. Non pas pour toujours ici sur la terre, Mais seulement pour un bref instant.

Anthologie Nahuatl, Témoignages littéraires du Mexique indigène, Miguel Leon-Portilla et Birgitta Leander (Editions Unesco / L'Harmattan, Paris 1996) page 54

Même le jade se brise, et même l'or s'altère. Même les plumes de quetzal se ternissent : la vie n'est pas sans fin sur terre, nous sommes ici pour un bref instant !

Antiguos Poetas Mesoamericanos, traducido y compilado por John Curl (site internet FAMSI) Los cantos de flor de Coyote Hambriento (Cantares Mexicanos) In Xochinquahuitl - The flower tree

Not forever on earth, only a brief time here ! Even jades fracture, even gold ruptures, even quetzal plumes tear : not forever on earth, only a brief time here ! Ohuaya, ohuaya.

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