samedi 11 juin 2011
LA FILLE DE MONTEZUMA, UN ROMAN DE H. RIDER HAGGARD
dimanche 5 juin 2011
MOQUETZALIZQUIXOCHINTZETZELOA
Pour terminer sur une note positive ce dimanche soir qui vient clôre le long week end de l'Ascension (du moins pour ceux qui ont bénéficié du "pont"), je cite un extrait d'un chant qui parle de l'amitié, texte tiré des Cantares Mexicanos par Patrick Saurin qui l'a traduit et présenté page 95 de son livre des Editions José Corti (Paris 2009 - Collection Merveilleux n°19), intitulé Les Fleurs de l'Intérieur du Ciel.
Moquetzalizquixochintzetzeloa
in icniuhyotl
Aztacaxtlatlapa 'tica
ye on malinticac,
in quetzalxiloxochitl
ymapa'
on ne'nemi conchichichintinemih
in teteuctin in tepilhuana...
Tel le parfum des précieuses fleurs de maïs grillé se répand l'amitié, de blanches fleurs caxtlatlapan, elle vient tresser des guirlandes, de précieuses fleurs xiloxochitl elle s'est parée, ils vont et viennent en respirant leur parfum les seigneurs et les princes...
mercredi 1 juin 2011
UNE POÉSIE DE NEZAHUALCOYOTL
mercredi 25 mai 2011
(2) LA DESTRUCTION DES INDES de BARTOLOMÉ de LAS CASAS (2ème partie)
Le texte des Editions Chandeigne (Paris, juin 1995, 2è édition révisée, septembre 2000) correspond à la réédition par Guillaume Julien, à Paris, en 1582, de la traduction française de Jacques de Miggrode. Cette traduction avait été éditée une première fois à Anvers en 1579 pour informer les Provinces Unies des Pays Bas de la cruauté des Espagnols et dénoncer les atrocités commises par eux dans les terres qu'ils colonisaient. Le texte des Editions Chandeigne est illustré des reproductions des gravures de cuivre de Théodore de Bry, parues en 1598 dans une édition latine en Allemagne. Ces images représentent presque toujours des actions violentes des Espagnols, tortures, massacres, supplices, etc., et sont placées à des endroits correspondant bien aux descriptions de la narration. Par conséquent, c'est une présentation dirigée sous forme de propagande anti-espagnole, de la fin du 16è siècle, qui est offerte au lecteur, le texte restant bien entendu celui écrit par Las Casas dans un but qui, lui, n'était pas politique, ni dirigé contre son propre pays.
La relation est précédée d'une très intéressante introduction (de 70 pages sur les 251 du livre) de Alain Milhou qui retrace clairement, entre autres, les étapes de la conquête et de la colonisation espagnoles, l'état d'esprit et la philosophie de Las Casas, ainsi que "le courant minoritaire, mais actif, de défense des indigènes" dans lequel il s'inscrivait. La relation est suivie d'une non moins très intéressante analyse iconographique de Jean-Paul Duviols, dont le titre est Le miroir de la tyrannie espagnole. Dans cette dernière partie, J.P. Duviols explique le but recherché de l'illustrateur, retrace l'histoire des gravures avant de reprendre chaque image pour l'analyser.
La relation elle-même présente les Indiens comme "des gens très simples, ..., sans malice, très obéissants et très fidèles,..., fort humbles, forts patients, très pacifiques et paisibles, ...", bref "des agneaux tant doux" face aux Espagnols "entrés comme des loups, des lions et des tigres très cruels de longtemps affamés". Elle décrit le processus de destruction en reprenant une par une les régions conquises (Hispaniola, Cuba, la Terre Ferme,le Nicaragua, la Nouvelle Espagne, le Guatamala, etc, jusqu'à La Plata, le Pérou, le Nouveau royaume de Grenade), et en reportant des témoignages des cruautés et exactions et présentant les systèmes d'exploitation. Beaucoup de chiffres sont donnés pour insister sur l'importance des pertes démographiques et du dépeuplement.
Les Aztèques et les peuples alentours apparaissent aux parties VII et VIII de l'ouvrage, intitulées respectivement De la Nouvelle Espagne et De la Nouvelle Espagne en particulier. Les termes et formules employés mettent dramatiquement en évidence l'importance du désastre humanitaire : rien qu'à la page 135, Las Casas parle de grands désordres et tueries, d'injustice, de violence et de tyrannies, de déconfitures, cruautés, tueries, dégâts, destructions de villes, pilleries, de choses les plus graves et les plus abominables, d'actes diaboliques, ....Plus de quatre millions d'âmes auraient été tuées par le fer et le feu entre le 18 avril 1518 et 1530, "en 450 lieues de pays quasi à l'entour de Mexico". Et de préciser que ne sont pas comptabilisés tous ceux qui sont tués "tous les jours dans la servitude et l'oppression ordinaire". Parmi les grands massacres, Las Casas en décrit deux bien connus : d'abord, celui de Cholula (plus de 3 000 tués) , sur la route de Mexico empruntée par Cortés après s'être rallié les Tlaxcaltèques, ennemis des Aztèques et des Cholultèques ; ensuite, la tuerie de l'enceinte du Grand Temple à Tenochtitlan (plusieurs milliers de victimes) durant la fête de Toxcal, alors que Cortés, absent de la ville, s'était fait remplacer par Pedro de Alvarado. Las Casa fait aussi rapidement référence au siège de Mexico en 1521 et de "l'horrible et épouvantable boucherie des Indiens". Il met également en évidence le raisonnement simpliste, mais pervers et cynique des conquérants, uniquement animés par l'ambition et "l'avarice diabolique" pour commettre ces "tueries et cruautés" : ces Indiens se doivent d'obéir au roi d'Espagne, même s'ils ne l'ont jamais vu, ni n'en n'ont jamais entendu parler ; ceux qui se soumettent sont mis en servitude, ceux qui ne se mettent pas dans leurs mains sont appelés des rebelles au roi, et tués ou mis en esclavage comme il se doit.
L'ensemble du pamphlet est de la même veine et l'on comprend qu'il ait pu susciter de violentes polémiques à l'époque...et bien après, tant il décrivait des Espagnols cupides, cyniques, féroces. A notre époque, nos contemporains occidentaux ont plutôt tendances à s'enthousiasmer pour ce réquisitoire, avec quelques nuances quelquefois. Sur la quatrième de couverture de la traduction traduite par Franchita Gonzalez Batlle parue aux Editions La Découverte (Paris, mai 2004), on peut lire que " Las Casas reste dans l'histoire de l'Amérique comme le premier défenseur des Indiens opprimés. Et son oeuvre demeure un document unique, une source de première main, un réquisitoire parfois insoutenable." Et de citer Télérama : " Ce petit livre-là vous plante définitivement une épine dans le coeur. Avec quatre siècles d'avance, un rapport d'Amesty International : même ton précis, même souci d'accumuler détails et exemples." Et de citer également L'Express : " Texte court et foudroyant où ce dominicain dénonce l'holocauste perpétué au nom du Christ et de l'or, et témoigne le premier de la dignité du "sauvage". " Sur la quatrième de couverture d'une autre traduction de Jacques de Miggrode, parue aux Editions 1001 Nuits (Paris, octobre 1999), on peut lire que le texte de Las Casas peut être considéré " comme le texte fondateur de l'anticolonialisme ". Les propos sont parfois plus nuancés, ainsi dans l'article de Wikipédia dédié à la Brévisima relacion de la destruccion de las Indias, il est écrit que "l'oeuvre de Las Casa se veut polémique, ses récits contiennent de nombreuses exagérations et présentent les évènements historiques sous l'angle souvent manichéen." Et le dictionnaire des noms propres du Petit Robert indique pour sa part (Editions 1994 - 1995) que " l'ouvrage, qui manque de nuances et contient des inexactitudes, est cependant d'une grande générosité. "
Je terminerai en revenant au livre des Editions Chandeigne, pour laisser les derniers mots à Alain Milhou et citer un petit passage de l'introduction, page 10 :
" Il ne faut pas lire la Destruction des Indes comme un rapport d'Amnesty International. Ce n'est pas un simple catalogue d'atteintes aux droits de l'homme, et c'est même beaucoup plus qu'un pamphlet. C'est un texte qui s'appuie sur une théologie rigoureuse du droit naturel, issu de saint Thomas d'Aquin. Mais c'est aussi un dénonciation prophétique des persécutions subies par une Eglise potentielle dont les membres sont les Indiens, baptisés et non-baptisés. Las Casas voit en eux l'image du Christ flagellé, comme le suggère le détail de la gravure de De Bry figurant en couverture (...) ".
Lecteurs, à vos livres !
dimanche 22 mai 2011
(1) LA DESTRUCTION DES INDES de BARTOLOMÉ de LAS CASAS (1ère partie)
mardi 17 mai 2011
LA SORCIERE ET LE CONQUISTADOR, UN ROMAN DE DIDIER GROSJEAN ET CLAUDINE ROLAND
samedi 14 mai 2011
HYMNE A TENOCHTITLAN "IN ATL IN TEPETL"
Chalchimmalacayotimanin
Atloyan tepetl huiya
çan quetzaltonameyotimani
Mexico nican huiya
itlan neyacalhuilotoc
in teteuctin
y yxochiayahuitl
in tepan motecaya ohuaya
O anca ye mochan
an ipalnemoani
O anca ye nican y tontlahtohua
yehuan totatzin aya
y celteotl
y anahuac in hualcaco mocuic
in tepan motecaya ohuaya
Yztac huexotlaya yztac tolin
yeimanica Mexico nica huiya
timatlalaztatototl
tiplatlantihuitz
tehuan tjteotl [spiritu santo] ohuaya
O anca ye tehuatl aya
ypan ticçohuaya
ypan ticyectia
in ye mocuitlapil yn ye matlapal aya
yn momacehual y cemicac
in çan tontlatoa yehua
Mexico nica huiya ohuaya
Maca ca no ya huia nenemi
yehua an motlaocol aya
Moteucçomatzin in totoquihuatzin
ac nel quitlacohtiz yn ipalnemohua
Ca quitzitzquico in ilhuicatl aya
In tlalticpac ohuaya
O anca tlachinolmilini
Intlatol yecoya ihtoa
y nauhcampa
y yaooquitlahuizcallotia
in atloyan tepetl
yn Tenochtitlan Moteucçomatzin
Neçahualpillin acolihuacan
O ohuaya ohuaya
çan quetzal ehcacehuaztica
oneyacalhuilotoc y elcicihuin
ytlaocoyan o huaye
quen y maniço
yn atloyan tepetl yn Tenochtitlan
quen quihtoa [dios]
a y yece yenican ohuaya
Hymne à Mexico – Tenochtitlan
(traduction de Patrick Saurin dans LA FLEUR, LE CHANT In xochitl in cuicatl
La poésie au temps des Aztèques – Éditions Jérôme Million, 2003)
Entourée d’anneaux de jade, « l’eau, la montagne » (huiya), resplendissante comme une plume de quetzal, ici se trouve Mexico (huiya). En ce lieu, on est venu faire de l’ombre pour les seigneurs. Une brume fleurie s’y répand sur tous (ohuaya).
Oh ! C’est bien là ta demeure, toi, Celui par qui l’on vit. Oh ! C’est bien ici que tu commandes. C’est lui notre vénérable père (aya), lui le seul dieu. Dans l’Anahuac, ton chant est entendu, sur tous il se répand (ohuaya).
Des saules blancs, des joncs blancs, ce qui s’étend ici, c’est Mexico (huiya). Tu es le héron bleu, tu viens prendre ton essor. Ô toi, tu es dieu ! [Esprit Saint] (ohuaya).
Ô ! C’est bien toi (aya), qui sur cet endroit déploie, sur cet endroit dispose, ta queue, ton aile (aya), ton peuple, pour toujours. C’est seulement toi qui commandes, ici, à Mexico (huiya, ohuaya).
Qu’elle ne se manifeste pas (huiya), votre pitié (aya), Motecuhzomatzin, Totoquihuatzin. Qui donc alors servirait Celui par qui l’on vit ? Car il est venu soutenir le ciel (aya), au-dessus de la terre (ohuaya).
Ô ! C’est bien l’incendie qui flamboie, ils viennent de prononcer leurs exhortations dans les quatre directions. Ils allument la guerre pour « l’eau, la montagne », à Tenochtitlan, Motecuhzomatzin, et Nezahualpilli à Acolhuacan, (a ohuaya, ohuaya).
Avec des éventails en plumes de quetzal, on est venu faire de l’ombre pour celui qui soupire, celui qui s’afflige, (ohuaye). Que va-t-il devenir de « l’eau, de la montagne », de Tenochtitlan ? Que va décider dieu ici ? (ohuaya)
LE SACRIFICE HUMAIN CHEZ LES AZTEQUES de Michel Graulich
L’entreprise de M. GRAULICH est parfaitement posée à la page 29 de son ouvrage de 415 pages (Edition Fayard, 2005) : "C'est donc au sacrifice humain aztèque, à la mise à mort d'êtres humains dans le cadre de la communication avec le surhumain qu'est consacrée cette étude. Nous essayons de le décrire dans sa totalité et de le comprendre. Comprendre non pas les raisons profondes pour lesquelles les Aztèques y procédaient - la réponse la plus vraie est évidemment qu'ils la faisaient parce que c'était l'habitude, parce que dès l'enfance ils l'avaient vu et appris, parce que cela se faisait en Méso-Amérique depuis des générations, des siècles, des millénaires même -, mais la façon dont ils le pensaient, se l'expliquaient à eux-mêmes et se le justifiaient, et le cas échéant comment leurs interprétations ont pu évoluer. Nous tenterons aussi de voir si les civilisations méso-américaines présentaient une quelconque spécificité qui expliquerait ce développement extraordinaire des sacrifices humains et leur nombre croissant sous les derniers souverains de l'Empire Aztèque."
On signalera tout de suite deux bizarreries dans cette étude : (1) la conclusion a été placée – par l’éditeur ? – après les nombreuses notes et l’intéressante bibliographie ; (2) l’avant-propos, contrairement à la plupart des habituels préambules, constitue une pièce maîtresse du livre qui aurait mérité de figurer comme premier chapitre à part entière. Cette partie fondamentale, en 41 pages, analyse les origines historiques du sacrifice humain chez les Aztèques, les nombreuses théories sur les causes de ce rite et de son incroyable développement à partir du souverain Montezuma l’Ancien, les sources écrites, à la fois riches, diverses et lacunaires, et se termine par une présentation résumée du (des) calendrier (s) aztèque (s).
Les deux premiers chapitres sont consacrés aux mythes, d’abord « les idéologies du sacrifice » (chapitre I), ensuite, en pratique, les occasions de sacrifier, c’est-à-dire « le mythe en action », titre du chapitre II ; la liste des circonstances est impressionnante : les fêtes régulières, les fêtes mobiles, les évènements irréguliers…Le chapitre III met en évidence « les acteurs du drame » qui sont (1) les sacrifiants, (2) les sacrifiés, (3) les sacrificateurs, et le chapitre IV présente le déroulement du sacrifice depuis les rites préliminaires (1) et les lieux, voies et moyens de l’exécution (2), jusque aux suites, notamment le festin cannibale (3) et l’apothéose des morts (4).
Le lecteur restera surpris, voire effrayé, par la variété et l’originalité des types de mises à mort et des pratiques les accompagnant (pensons à l’écorchement !), la cardiectomie, c’est-à-dire l’excision du cœur, étant la plus connue et sans aucun doute la plus courante ; et l’on apprendra avec intérêt, puisque M. GRAULICH ne fait aucune impasse et traite de l’ensemble du sujet, que la « thoracotomie bilatérale transversale aurait été la technique la plus efficace, permettant de bien dégager le cœur sans l’abîmer, et elle est bien attestée » (cf. page 293).
On sera également intéressé par le fait que certaines célébrations paraissent exiger, « somme toute », peu de victimes en nombre, tandis qu’en revanche d’autres évènements peuvent conduire à la mort, chacun, de centaines ou de milliers, voire de dizaines de milliers de captifs, l’exemple le plus connu étant la fête d’agrandissement du temple principal de Tenochtitlan en 1487, sous le souverain Ahuitzotl. Par ailleurs, certains sacrifices demandent des enfants seulement tandis que d’autres ne peuvent concerner que des guerriers captifs.
Parmi les diverses et nombreuses explications du sacrifice humain, M. GRAULICH n’en privilégie aucune, ni n’en repousse fermement aucune, tout en ayant le mérite de les exposer et de suggérer des évolutions au cours des siècles. On en rappellera ici rapidement les principales interprétations, afin d’inciter l’internaute à se plonger dans le livre : il y a ainsi la théorie du sacrifice par expiation de sa propre faute ou par paiement d’une dette (contractée envers les dieux), la faute ou la dette pouvant être rachetées « par des objets de substitution extérieurs au coupable, des offrandes et mieux, des sacrifices d’animaux et d’hommes qui jouent le rôle de symboles expiatoires.» Il y a également la nécessité d’alimenter le soleil et tous les autres dieux qui luttent aux côtés du soleil, de renouveler son énergie en le nourrissant de « l’eau précieuse ». Les sacrifices humains sont également perçus comme « l’instrument politique d’un impérialisme totalitariste » visant à terroriser les peuples vaincus et à soumettre. Le rite peut aussi constituer une réponse collective à une démographie galopante, ou bien, du fait que le cannibalisme lui est directement lié, répond à l’impérieuse nécessité de recherche de protéines qui faisait défaut. M. GRAULICH explique enfin que « ce sont les mises à mort massives de prisonniers de guerre qui montrent que les sacrifices humains sont aussi des meurtres inspirés par la vengeance, des meurtres dont la population tout entière, qui y assiste fascinée, est en fait complice, ce qui doit renforcer son sentiment d’appartenance au groupe et souder davantage la communauté. »
L’auteur termine en suggérant que le caractère multiethnique des grandes cités méso-amérindiennes a pu concourir à l’inflation des sacrifices humains par la recherche de la cohésion de la cité souvent fragile : « il est possible que le massacre rituel d'ennemis en grand nombre et provenant d'horizons très variés, en présence de et avec la participation de la population toute entière, ait aussi visé à souder ensemble ces complices et à les décourager de partir ailleurs, chez l'ennemi.""
Pour aller à l’essentiel, un livre fascinant, autant par le sujet que par la qualité de l’analyse !
Commentaire(s) fleuri(s) d’un soir sur un poème de Nezahualcoyolt
J’ai vu sur le blog LES PEUPLES DU SOLEIL, qui se dit « le blog consacré aux fictions mettant en scène des peuples précolombiens », à l’occasion d’un échange dit « dimanche poétique » 28/11/2010 la reproduction d’un beau texte de Nezahualcoyotl, Dialogue avec le prince Yohyotzin. Voici ce qui était écrit :
« Nezahualcoyotl (environ 1402-1472) était un roi de la province de Tezcoco et l'un des rares noms d'auteurs de poésie nahuatl qui nous soient connus. Féru de poésie, il organisa de nombreux concours, auxquels il ne dédaignait pas de participer.
- Je suis venu ici, moi, Yohyotzin.
Anxieux, je respire les fleurs
sur cette terre où se fanent les fleurs.
Je cueille les fleurs de cacao, j'effeuille les fleurs de l'amitié.
Tu es, ô seigneur, tu es le roi Nezahualcoyolt!
Moi, prince Yohyotzin, je suis venu chercher tes chants;
tes chants sont beaux, je suis venu les chercher.
- Ainsi qu'émeraudes, que colliers, que plumages de riches plumes,
j'estime tes chants, je les aime et je les danse
près des tambourins, dans la Maison du Printemps.
Je suis Yohyotzin, mon cœur les savoure.
Prends ton tambourin fleuri à l'odeur de maïs,
que se répandent les fleurs à l'odeur de cacao!
Réjouissons-nous près des tambourins!
Là, où se dresse l'Arbre Fleuri,
Là vit le bel oiseau de pourpre:
voici qu'en cet oiseau Nezahualcoyolt s'est changé
et que s'élèvent les chants fleuris qui apportent la joie aux fleurs! »
Comme les commentaires étaient possibles, je me suis permis de faire le mien qui a été le suivant :
Commentaires
C'est en effet un fort beau poème qui incarne en soi la poésie nahuatl : les deux mots directeurs du poème sont en effet la fleur et le chant qui reviennent sans cesse, c'est-à-dire in xochitl in cuicatl, ces termes associés dans la langue nahuatl pour signifier "la poésie". M'essayant modestement à acquérir quelques notions de nahuatl, j'imagine combien ce poème devait être agréable à entendre, chanté ou déclamé. Ainsi le thème de la fleur (xochitl) qui est repris répété sans cesse en association avec divers autres éléments permet de former des mots chantants et suaves,
tels que
xochiyeelehuiya pour je respire les fleurs
xochitlatlapanaco pour se fanent les fleurs.
cacahuaxochitli pour les fleurs de cacao,
icniuhxochitli pour les fleurs de l'amitié
izquixochitli huehuetl pour le tambourin fleuri à l'odeur de maïs, etc. etc.
Écrit par : Arnaldus 19.03.2011
J’ajouterai aujourd’hui que dans le texte nahuatl de ce poème apparaît également le vers ni xochicuicuicatinemi qui se traduirait par « je vais chantant mes chants fleuris ». (Tiré du livre NEZAHUALCOYOTL, Sur cette terre à nous prêtée…, traduit du nahuatl et présenté par Pascal Coumes et Jean-Claude Caër, Éditions Arfuyen, Paris-Orbey 2010)
Enfin, le thème de la fleur me rappelle aussi l’une des formules les plus plaisantes, presque précieuses, que j’ai pu trouver avec la construction d’un des mots les plus longs de la langue nahuatl (du moins, pour moi) ; je cite :
Moquetzalizquixochintzetzeloa in icniuhyotl, c’est-à-dire : Tel le parfum des précieuses fleurs de maïs grillé, se répand l’amitié…(Tiré du chant 12, Cantares Mexicanos, du livre LES FLEURS DE L’INTÉRIEUR DU CIEL, Chants de l’ancien Mexique traduits du nahuatl et présentés par Patrick Saurin, Éditions José Corti, Paris 2009)
Voilà de quoi s’endormir sereinement, la tête pleine de quetzalxiloxochitl
mardi 10 mai 2011
"MONTEZUMA"
Comme elle apparaît grandiose, dans ce livre (MONTEZUMA, Edition Fayard 1994), la vie de l’empereur Montezuma, Huey Tlahtoani Colhuatecuhtli Moteuczoma Xocoyotzin, le Grand Orateur et Seigneur des Colhuas, Montezuma le Vénérable Cadet (pour le distinguer du premier Montezuma), souverain de l’Anahuac, le monde connu.
En 252 pages seulement et neuf chapitres, M. Graulich réussit l’exploit de nous décrire le monde aztèque au faît de sa puissance et de ses certitudes, dans la formidable ascension du petit peuple errant des Mexicas, avant les signes et présages avant-coureurs d’une catastrophe, à travers le souverain à l’éducation princière, grand guerrier conquérant, réformateur, chef intransigeant et sans scrupule, être orgueilleux placé au dessus des humains.
Ces chapitres ont les suivants : (1) L’ascension des Mexicas. (2) L’éducation d’un prince aztèque. (3) La guerre du soleil levant. (4) Les années de réforme. (5) Premières campagnes. (6)La vie quotidienne d’un souverain mexicain. (7) L’époque du Feu nouveau. (8) Les signes avant-coureurs de la chute de l’empire. (9) L’empire à son apogée.
Mais d’emblée on comprend que le Seigneur du monde connu est au cœur d’un cercle vicieux d’un ordre fragile dont l’extension spatiale et la recherche de toujours plus de richesses deviennent des buts en soi, alors même qu’il est écrit qu’il doit fatalement disparaître à terme. Dans cet ordre instable, écrit Michel Graulich page 55, « un chef devait se montrer très généreux, voire humilier ou obliger ses rivaux par ses prodigalités. Si ceux-ci n’étaient pas en mesure d’en faire autant, ils perdaient la face et admettaient leur infériorité. L’État devait donc se défendre et payer (ou récompenser). Pour cela, il lui fallait s’emparer de richesses de plus en plus importantes au fur et à mesure que l’empire grandissait. Il était pris dans un cercle vicieux. Pour conserver les nouvelles acquisitions, il fallait des armées, des alliés et donc des tributs. Pour se procurer ces moyens, il fallait conquérir et accroître l’empire. Pour protéger ces nouvelles conquêtes, il fallait de nouveaux trésors et de nouvelles guerres. » Dans la conception du monde et selon les mythes des Mésoaméricains, cet empire dominateur est la 5ème ère, le 5è Soleil où dominent les dieux des Mexicas : Tezcatlipoca et Huitzilopochtli, qui ont chassé le dieu du 4ème Soleil, Quetzalcoatl le Serpent à plumes, car chaque Soleil est l’enjeu d’une lutte entre les divins frères ennemis Tezcatlipoca et Quetzalcoatl dans laquelle l’un chasse l’autre et domine en alternance. Et nécessairement, Quetzalcoatl doit revenir et détruire le Soleil aztèque. Le grand empereur est alors le maître d’un monde à l’évidente précarité.
Alors, en définitive, comme elle est pitoyable, dans ce livre, la vie du pauvre Montezuma, prince rempli de terreurs superstitieuses, maître angoissé d’un monde qu’il sait voué à disparaître, pathétique dans ses ruses et traquenards pour repousser les Espagnols puis pour se les acoquiner, pris rapidement au piège des ambitions sans scrupules des conquistadores.
En 178 pages seulement, six chapitres et un épilogue, M. Graulich nous décrit avec génie la pièce de la catastrophe, depuis l’arrivée des « être sortis de l’eau céleste » au « roi tué par les siens », les actes successifs où peu à peu les évènements échappent au Seigneur de l’Anahuac au fur et à mesure de l’avance espagnole jusqu’à sa captivité en son propre palais, déshonoré, manipulé, puis le dénouement dramatique, le tlahtoani invectivé et frappé en définitive par son peuple.
Les cinq chapitres sont les suivants après les 9 premiers précités : (10) Les être sortis de l’eau céleste. (11) Le Serpent à Plumes. (12) L’empire se lézarde. (13) Les pièges de la vallée de Puebla. (14) La cité ceinte d’émeraude. (15) Le roi sacrifié.
N’y a-t-il pas plus poignant que la confrontation des deux mondes personnifiée par la première rencontre de Cortés et Montezuma, plus émouvant que le discours fataliste et soumis du souverain Mexica repris par M Graulich page 377 : « Je ne suis pas tout simplement en train de rêver, je ne suis pas uniquement en train de faire des songes, je ne vois pas ceci seulement dans mon sommeil, je ne fais pas que rêver de te voir, car je t’ai vu face à face. J’étais envahi de mauvaises impressions depuis cinq ans déjà, depuis dix ans déjà. J’ai regardé là-bas, vers l’endroit inconnu d’où tu es sorti, d’entre les nuages, d’entre les brouillards. (…) Et, maintenant, cela est arrivé, tu es venu ; tu as souffert bien des fatigues, tu es las ; approche-toi de la terre, repose-toi ; va faire connaissance avec ton palais, repose ton corps ; qu’ils approchent donc de la terre, nos seigneurs ! » (Sahagun CF 1. 12, 1983 : 81.)
Ce discours aurait sans doute mérité d’être rapproché des paroles du discours d’accueil de Montezuma, rapportées par Cortez lui-même, et qui marquent encore davantage cette allégeance : « Il y a bien longtemps que, par nos livres, nous avons appris de nos ancêtres que ni moi ni aucun de ceux qui habitent cette contrée n’en sommes les naturels ; nous sommes étrangers et nous sommes venus de pays lointains. Nous savons aussi que ce fut un grand chef, dont tous étaient vassaux, qui nous amena dans ce pays (Quetzalcóatl) ; il retourna dans sa patrie d’où il ne revint que longtemps après, et si longtemps qu’il retrouva ceux qu’il avait laissés derrière lui mariés avec les femmes de la contrée et vivant en famille dans les nombreux villages qu’ils avaient fondés. Il voulut les emmener avec lui, mais ils s’y refusèrent et ne voulurent même pas le reconnaître comme seigneur. Alors il repartit. Nous avons toujours cru, depuis, que ses descendants reviendraient un jour pour soumettre ce pays et faire de nous ses sujets ; et d’après la partie du monde d’où vous me dites venir, qui est celle où le soleil se lève, et les choses que vous me contez de ce grand seigneur ou roi qui vous a envoyés, nous croyons et tenons pour assuré que c’est lui notre seigneur naturel ; d’autant plus que, depuis longtemps, il est, dites-vous, au courant de nos affaires. Soyez donc certain que nous vous obéirons et que nous vous reconnaîtrons pour maître au lieu et place du grand roi dont vous parlez. "
Montezuma coupable jusque bout : « mort et suicidé à la fois », « prisonnier de ses mythes », « victime de ses mythes », « captif…………de son sentiment de culpabilité à l’égard d’un dieu que les Mexicas avaient persécuté ».
Lisez ce livre qui vous plonge dans l’apogée et la chute de l’empire aztèque à travers les contradictions d’un être humain.
lundi 11 avril 2011
"LE CONQUERANT DE L'IMPOSSIBLE"
"L'EMPIRE AZTEQUE, impérialisme militaire et terrorisme d'État"
Pour parler de ce livre de Paul Hosotte, L’Empire Aztèque, Impérialisme militaire et terrorisme d’État (Éditions Economica, Paris 2001), je commencerai par une critique publiée sur le site Amazon.fr par un certain Stéphane Pares et qui « campe » bien le sujet : « L'ouvrage de Paul Hosotte est terrifiant à plus d'un titre. Cette étude qui pourrait être assimilée à une banale histoire des Aztèques est en réalité bien plus que cela. S'appuyant sur de solides connaissances mêlant histoire, anthropologie, mythologie et psychologie, l'auteur révèle que la civilisation tombée sous les coups des conquistadors en 1521 s'apparentait à un véritable régime de terreur qu'il n'hésite pas à comparer aux systèmes totalitaires du XXe siècle. Fondé au XIVe siècle par Tlacaelel, souverain (sic)[1]1 doté d'un sombre génie, l'empire aztèque reposait sur un dispositif alliant la peur et la guerre afin de contrôler les populations dominées. Au centre de ce dispositif, la pratique du sacrifice humain devenue quotidienne et publique, justifiée par la croyance en une survie du Soleil nécessitant l'offrande de cœurs et de sang d'hommes. Si les descriptions de ce terrorisme d'État font frémir, l'ouvrage peut se lire également comme un véritable traité de sociologie politique sur le pouvoir et les moyens de le conserver. Une réflexion passionnante. » (Stéphane Pares sur le site Amazon.fr)
Je continuerai par la citation mise en exergue à la première page précédant l’introduction du livre de P. Hosotte et tirée du livre 1984 de George Orwell : « Comment un homme assure-t-il son pouvoir sur un autre ? En le faisant souffrir. Le pouvoir est d’infliger des souffrances et des humiliations. Dans ce monde, il n’y aura pas d’autres émotions que la crainte, la rage, le triomphe et l’humiliation. »
La référence à 1984 est excellente et la citation appropriée avec son cortège de « pouvoir, souffrance, humiliation, crainte, rage et triomphe » puisque P. Hosotte fait la description d’une véritable dystopie, mais non imaginaire, où l’on trouve tous les ingrédients du régime totalitaire : la réécriture de l’histoire, la guerre nécessaire et incessante, la terreur des vaincus par le sacrifice humain, l’adhésion de la société à l’idéologie par le contrôle de cette société, son endoctrinement, les interdits et la répression.
La cheville ouvrière de la conception, de la mise en œuvre et du développement de ce système impérialiste et terroriste aurait été, selon P. Hosotte, un seul homme extraordinaire : Tlacaelel cihuacoatl, littéralement « Serpent – Femme » c’est-à-dire conseiller suprême de quatre, voire cinq, souverains aztèques : Itzcoatl, Motecuhzoma, Axayacatl, Tizoc et sans doute Ahuitzol, sur plus de 60 ans.
Le livre nous montre comment par l’intelligence et l’influence de cet individu, à partir de la période où le peuple aztèque se dégage de la tutelle des Tépanèques d’Azcapotzalco et où la Triple Alliance se met en place, ce même peuple a su créer un empire puissant et structuré fondé « sur l’emploi systématique de la terreur comme instrument de domination. » (Extrait tiré de l’introduction page 4)
La première partie est consacrée à « L’histoire imaginée », le long et laborieux processus qui conduit la horde « misérable et loqueteuse » de l’île mythique d’Atlan jusqu’aux marécages du lac de la vallée centrale, la difficile gestation dans un environnement hostile entouré d’ennemis qui débouche par l’affirmation fière et belliqueuse du peuple élu qui se place sous la protection du « Colibri de la Gauche », dieu de la guerre, Huitzilopochtli : le désert purificateur (chapitre 1), le choc de la civilisation (chapitre 2), la Terre Promise (chapitre 3) et les Seigneurs des Roseaux (chapitre 4).
La deuxième partie est l’épine dorsale de l’étude puisqu’il s’agit de l’édification du régime totalitaire aztèque sous l’égide de Tlacaelel, le « Grand Architecte » (titre de cette partie) avec ses caractéristiques cités plus haut : la prise du pouvoir (chapitre 1), l’Histoire et le dogme au service du Pouvoir (chapitre 2), la Guerre (chapitre 3), le sacrifice humain (chapitre 4) et le Grand Architecte (chapitre 5).
Une troisième et dernière partie, intitulée « L’histoire idéologisée », décrit l’emprise hégémonique des adeptes du dieu Huitzilopochtli sur des centaines de cités, le prélèvement sans compter des ressources sur les nations vaincues et exsangues, les dépenses en monuments splendides, en fêtes fastueuses et en cérémonies sanglantes, la course sans fin à l’extension des terres soumises pour assurer le fonctionnement du système et les sacrifices toujours plus nombreux de victimes parfois innombrables « prétendument immolées afin d’assurer la survie du Soleil » (page 275) alors que le but premier serait de « tenir les populations sous le joug d’une terreur à peine imaginable » (page 267), pour finir un régime fragilisé par les propres éléments qui font sa grandeur et qui finira par se désagréger rapidement avec l’arrivée des Espagnols.
Voici donc dans cette troisième partie le règne de Motecuhzoma 1er (chapitre 1 : la Gloire de l’Empire) où s’affirme la puissance aztèque et se consolide sa légitimité par les campagnes guerrières s’achevant par des sacrifices de masse ; le règne d’Axayacatl, (chapitre 2 : la Première éclipse du Soleil), marqué par des guerres victorieuses et l’annexion de la ville jumelle de Tlatelolco mais également par une expédition désastreuse contre les Tarasques ; le règne de Tizoc (chapitre 3 : , le mauvais roi) souverain qui ne cherche pas suffisamment à combattre pour le bien, gloire, extension et richesse, de l’empire ; le règne d’Ahuitzol, règne passionné et passionnant de ce souverain cruel et fastueux, qui constituerait l’apothéose de Tlacaelel, alors très vieux cihuacoatl, (chapitre 4 : l’apothéose de Tlacaelel) et qui meurt peut être en 1498. Le chapitre 5 décrit l’apogée de l’empire sans Tlacaelel, sous Motecuhzoma Xocoyotzin (le Montezuma de Cortés), puis les signes annonciateurs de la chute, et le désastre final, en fait la Mort du Cinquième Soleil, titre de ce chapitre.
Un tel ouvrage appelle de nombreuses interrogations. Pour ma part, j’en retiens seulement quelques unes pour que le lecteur ne perde pas trop de temps et aille vite lire le livre.
Ainsi, il peut y avoir débat sur l’existence même de Tlacaelel puisque des historiens et écrivains des 16è et 17è siècles ne mentionnent pas le personnage et que l’historien franciscain Juan de Torquemada nie son existence. P. Hosotte n’écarte pas la question pour mieux démontrer dans le chapitre 1 « la prise du pouvoir » de la deuxième partie que « la réalité [de Tlacaelel] nous semble ne pouvoir faire aucun doute ».
Par ailleurs, son existence étant admise, se pose la question de « l’influence réelle de ce personnage clé de l’histoire du peuple aztèque ». Il ressort du livre qu’en définitive l’empire c’est lui : il règne en sous main, réécrit l’histoire, forge le dogme, façonne la société avec ses tabous, ses interdits, ses privilèges, étend la puissance aztèque sur le monde par les guerres et les sacrifices. Et cependant, il est difficile de dire que des souverains comme Motecuhzoma 1er, Axayacatl, ou Ahuitzol, étaient des personnes falotes et influençables dans les mains du cihuacoatl. En fait, même si la réponse est difficile à trouver dans la complexité et la subtilité des pouvoirs et des interrelations du tlahtoani (« celui qui parle » c’est-à-dire le souverain) et du cihuacoatl, on comprend bien qu'ont prévalu sur des décennies une extraordinaire confiance et complicité, une efficace complémentarité dans le partage des rôles dévolus aux deux principaux personnages de l’État aztèque, un subtil et intelligent équilibre dans la qualité du conseil et de l’écoute. Des rapports fascinants dont l’on trouve difficilement trace dans l’histoire (Suger et Louis VI ? Richelieu et Louis XIII ? C’est difficile de comparer en fait) et je citerai, pour terminer sur cette question, le chroniqueur Chimalpahin Quauhtlehuanitzin (1579-1660 ?).
« C’est pourquoi, moi, Don Domingo de San Antón Muñón Quauhtlehuanitzin, ici, je confirme, ainsi, la mort de la princesse Doña Marina, car je sais très bien qu’elle était l’une des descendantes, des rejetons, du noble lignage, dit-on, de celui d’âge avancé, qui fut le très redouté Cihuacoatl, Tlacayeleltzin l’Ancien, Grand Seigneur de Tenochtitlan, qui vient gouverner auprès d’eux, qui vint aider les cinq anciens Souverains de Tenochtitlan : Itzcohuatl, Moteuhçoma Ylhuicamina, Axayacatl, Tiçoc et Ahuitzotl ; il vint agir pour eux, il vint les aider dans tout ce qu’ils entreprenaient, le dit Commandant en chef, Capitaine général, le Cihuacoatl, Tlacayelel l’Ancien, comme il ressort de toutes les actions susdites, qu’il daigna accomplir, durant le règne des dits Souverains de Tenochtitlan. »[2]
Autre question : pourquoi l’étude a-t-elle laissé de côté, hormis quelques allusions, un trait essentiel du système d’exploitation et d’oppression de l’empire aztèque, à savoir le tribut et sa perception. On sait bien que l’éminent Jacques Soustelle, porté par son amour du monde aztèque, avait beaucoup minimisé l’importance du tribut, sur les plans tant matériel que moral, (voir les quelques pages qui y sont consacrées, pages 143 – 146, dans La vie quotidienne chez les Aztèques, Éditions Le Livre de Poche, Hachette, Paris 1955), mais plus de 50 ans après, on sait mieux combien le tribut a été conçu et organisé comme instrument de l’impérialisme et de sujétion de l’État aztèque. Sur ce point, en laissant de grandes études universitaires de côté, je me référerai de façon plus vulgaire à L’Atlas historique de la Méso-Amérique, dans le chapitre 7 consacré aux Aztèques (Edition originale publiée par Thalamus Publishing, Éditions Saint-André des Arts, Paris 2002), où, aux pages 168 et 169, il est montré de manière concise mais éclairante, que par le système du tribut, sur « les États assujettis, des menaces physiques et psychologiques assurent la loyauté ». Un chapitre sur ce point aurait bien été nécessaire et l’on regrette ici une « impasse » dans un livre que l’on conseille néanmoins.
Dernière question : on peut aussi se demander si le monde aztèque était à ce point déshumanisé, cruel et violent, que ce que décrit P. Hosotte. N’étant ni spécialiste, ni anthropologue, ni ethnologue, ni, ni, etc., je ne m’avancerai pas à répondre. Le rire, le chant, la danse, la poésie, les fêtes de familles ou de quartiers, l’humour, les jeux d’enfants, les jeux d’adultes, le goût du plaisir, l’art de bien faire, le goût de créer, le respect de l’autre, voire le respect de l’ennemi, etc., sont autant de traits humains qui ont pourtant également prévalu si l’on se fonde sur les témoignages, l’archéologie, les textes divers et variés, les études savantes…En définitive, j’espère ne pas chercher en vain quelques rayons lumineux dans ce monde du Cinquième Soleil, mais il est vrai que le terrifiant mais passionnant ouvrage de P . Hosotte porte bien son titre.
[1] Erreur étonnante puisque tout le livre s’échine à montrer que Tlacaelel ne fut jamais un souverain mais conseilla en revanche les souverains de Mexico.
[2] Extrait tiré page 175 du livre Anthologie Nahuatl, Témoignages littéraires du Mexique indigène, de Miguel León-Portilla et Birgitta Leander, Éditions L’Harmattan, Paris, 1996, et étant indiqué page 172 comme provenant du livre de Jacqueline de Durand-Forest, L’histoire de la vallée de Mexico selon Chimalpahin Cuauhtlehuanitzin, Éditions L’Harmattan, Paris, 1987)